[Event] Les RH hackent le digital… ou l’inverse !

 

 

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Le jeudi 21 mars dernier alors qu’une grande partie des acteurs de la sphère RH finissaient de visiter le Salon Solutions RH, la bande du collectif pour la reconquête des RH, également auteurs du fameux MagRH, organisaient avec la complicité des étudiants de Master2 RH de l’IAE Gustave Eiffel, la deuxième édition des « RH hackent le digital » au Pavillon de l’Eau à Paris. Au sommaire de cette journée haute en couleurs : des pitchs de start-ups, des échanges avec les experts, du rire, du débat, un saumon… et la remise du prix du meilleur billet de blog dans la catégorie RH et dans la catégorie Management. Résumé (un peu long j’en conviens…).

Pour introduire la journée, c’est Patrick Storhaye, fondateur de Flexity, qui entre en scène accompagné de François Geuze, influenceur bien connu de la sphère RH, membre fondateur du collectif Pour la reconquête des RH. Ils nous rappellent que si le digital est aujourd’hui au cœur de la transformation des RH, les start-ups et les professionnels des ressources humaines ont à travailler ensemble : arrêter la course aux gadgets, prendre en compte les objectifs et contraintes des RH, mieux connaître les métiers et le quotidien des utilisateurs… Certes la multiplicité des outils et la puissance des technologies rendent un véritable service à la gestion des ressources humaines : optimisation des processus, libre-service RH, intelligence artificielle, … autant qu’à l’autonomie des professionnels de la fonction. Pour autant, "l'autonomie et la liberté sont deux choses différentes" prévient Patrick Storhaye faisant le parallèle avec les pirates. « Il faut se méfier de l’effet hypnotisant du digital et des fausses croyances qui l’entourent ». Avec humour, il nous invite à un peu d’esprit critique face aux effets mode et mainstream de la transformation digitale : selon lui, réduire la complexité du monde et des problématiques RH est avant tout un enjeu marketing et commercial pour les vendeurs d’outils et de prestation. Tandis qu’une IA ne saura jamais se remettre en cause ni faire preuve de créativité, être un DRH corporate hacker aujourd’hui, c’est lutter contre la pensée unique (et magique) et le formatage qui sont assénés à la profession à grand coup d’entreprise libérée, de CHO (Chief Hapiness Officer), de hackathon et d’ouvrages « HRbashing ».

Les RH hackent le digital - photo @InnovRH

Recrutement : la fin du parcours du combattant ?

Premier atelier de la journée, celui dédié au recrutement pose la problématique suivante : face à un système souvent générateur de frustration (tant du côté des candidats que du côté des RH) qu’il s’agisse des méthodes jugées trop subjectives dignes d’un parcours du combattant, des métiers valises, des candidats espions, ou encore des risques de discriminations, le digital et l’intelligence artificielle peuvent là encore être porteurs de belles promesses : optimisation du sourcing, tri automatique des CV, entretiens en vidéo voire en réalité virtuelle, … Après l’introduction dynamique des étudiants de l’IAE, c’est au tour de deux start-up de venir présenter leur solution. Hyperbolyk, start-up lyonnaise, représentée par son fondateur Yann Bustos, a conçu un chatbot nommé Léon. Capable de débattre avec un avocat, le chatbot s’appuie sur le langage naturel et surtout les processus RH qui permettent de l’alimenter pour lui indiquer quel PDF, quel tutoriel vidéo ou quelle autre ressource fournir aux candidats en fonction de leurs questions. Ensuite avec la start-up CV catcher, on découvre une autre application de l’intelligence artificielle dans le recrutement. Le système permet de détecter à partir du CV injecté par le candidat les offres les plus pertinentes à lui proposer. Un gain de temps en matière de sourcing et de détection d’opportunités, des candidatures plus pertinentes à l’arrivée, sans parler de l’impact de ce système innovant sur la marque employeur, CV Catcher a le potentiel de révolutionner le recrutement,… tant qu’il ne produit pas des clones, comme le relève Aude Amarrurtu, DRH d’Itelios venue avec Frédéric Mischler, influenceur, consultant et bloggeur RH, titiller les start-upers et leurs solutions rutilantes. Ils questionnent : les RH n’ont déjà pas beaucoup de temps pour faire leur métier, et ils doivent en plus en passer davantage à paramétrer des outils digitaux … Yann Bustos insiste sur le fait que les outils technologiques doivent s’intégrer avec congruence dans la culture d’entreprise et qu’il ne s’agit pas de déployer à tout va des gadgets qui ne correspondent à aucune réalité culturelle.
Frédéric Mischler déplore qu’avec la transformation digitale finalement, on ne s’intéresse pas plus à l’humain : « Les gens ne savent pas toujours faire un CV, on multiplie les annonces et on a pas le temps de traiter ... » D’ailleurs, on s’interroge : y a-t-il de l’avenir pour le CV ? Le futur du travail repose sur la capacité à apprendre et à se développer et pourtant le CV parle de notre passé. Lors d’une intervention remarquée, André Perret, co-organisateur de la journée et Vice Président du groupe Alésia Nation de l'ANDRH , note avec humour que les CV des DRH eux-mêmes ne sont pas toujours exemplaires ! Il questionne plus sérieusement la vision élitiste de ces outils sur certains profils à potentiel, et interpelle : « Ces nouveaux outils concernent-ils vraiment TOUS les talents ? » Frédéric Mischler rappelle également l’intérêt de la méthode des habilités en recrutement. Le représentant de CV Catcher ajoute que les machines permettent justement de valoriser les compétences et non les diplômes, et peuvent également aussi rassurer un manager sur le recrutement d’un profil plus atypique, permettant ainsi de lutter contre les discriminations, …même si cela n’enlève évidemment rien à l’intelligence humaine.
« On a aussi besoin des humains pour accompagner les gens dans leur employabilité », conclut le fondateur de CV Catcher.

Formation : comment devenir des serial learners, des killers de l’information ?

Deuxième atelier de la matinée, le défi de la formation tout au long de la vie professionnelle. Une gageure quand on sait que selon un rapport récent de l’OCDE, la durée de vie moyenne d’une compétence ne sera bientôt plus que de 3 ans ! Pour permettre à chacun de développer son portefeuille de compétences, le blended-learning, l’adaptative-learning, le micro-learning, l’immersive-learning ou encore le peer-to-peer learning sont également prometteurs. Et deux start-up, Pix et Make U Learn sont là pour le prouver.
Service public en ligne d'évaluation, de développement et de certification des compétences numériques, la plateforme Pix a été initiée dans le cadre du dispositif Startup d’Etat, avec comme vocation l’inclusion numérique : elle s’appuie sur la mesure du niveau, la réalisation d’épreuves, et la création d’un profil de compétence (lui-même résultat de 16 compétences clés réparties dans 5 domaines) pour proposer des parcours de progression à la carte. Et pour les RH, c’est une solution complète qui permet d’outiller le dispositif de formation autour du numérique. Make U Learn est une solution de micro-learning, qui s’appuie sur le rapid learning, des modules courts que les apprenants peuvent consommer sur leur mobile. Mais ce qui est caractéristique de la startup, c’est sa démarche quasi-anthropologique pour proposer des contenus sur-mesure à ses clients : conscients que le développement des compétences des collaborateurs est contextuel à l’environnement de travail dans lequel elles vont s’exercer, aux enjeux stratégiques de l’entreprise comme aux enjeux personnels des salariés, Make U Learn s’appuie sur un audit approfondi de l’organisation avant de réaliser sa scénarisation pédagogique. Une approche qui peut faire de la formation un accélérateur de transformations.
Pour questionner les deux startups, Yannig Raffenel, responsable des projets EdTech à la MAIF et fondateur du Learning Show et André Perret. Selon ce dernier, un des enjeux de la formation à l’ère numérique, c’est de créer l’envie ! Ce à quoi la startup Pix répond qu’engager des compétences personnelles, notamment au cœur de la citoyenneté, et qui vont servir au quotidien professionnel, est un bon moyen de développer l’appétence à la formation. Pour Valentin Fluteau de Make U Learn, quand la formation s’intègre dans le quotidien du collaborateur et porte sur des compétences ancrées dans sa réalité et son contexte de travail, elle est également plus efficace.
Le débat prend tout à coup une autre tournure quand Yannig Raffenel nous interroge : est-ce que la formation appartient aux RH ou aux métiers ? Récoltant les foudres d’André Perret pour qui « on ne déshabille pas les RH de la formation ! », ce dernier rappelle que la formation et la gestion des compétences sont indissociables et que si l’on déplore le manque d’efficacité de la formation, c’est sans doute parce que son évaluation est trop souvent négligée… du moins par 7 entreprises sur 10 ! Pour la représentante de Pix, le rôle de la formation est celui d’un "assemblier" : travailler avec un eco-système, RH, métier, startup, pour proposer un parcours pédagogique pertinent. André Perret ajoute que le rôle des RH est aussi d’être les garants de la gestion des compétences et de l’ingénierie pédagogique face au fond opérationnel et technique. Valentin Fluteau de Make U Learn abonde en insistant sur le fait que le rôle de la formation est aussi de donner le sens.
Pour conclure, Yannig Raffenel fait le lien entre management et formation : au travers de tous les nouveaux dispositifs numériques, peer-learning, reverse mentoring,... , c’est l’ensemble de la démarche de formation qui peut être démocratisée car tout le monde dans l’entreprise peut avoir des compétences à transmettre !

Gestion des compétences : mais qu’est-ce qu’on fait des données RH ?

Troisième atelier, sur la gestion des compétences… Un sujet clé qui s’appuie aujourd’hui sur tout un arsenal méthodologique et processuel assez lourd : référentiel de compétences, accord GPEC, données du SIRH, … difficile de s’accorder sur la définition et le niveau de granularité pour faire des datas RH un véritable capital exploitable pour l’entreprise. Mais c’est sans compter les deux startups Whoz et E-lamp qui viennent tour à tour présenter leur solution innovante.
En résumé, Whoz permet grâce à l’IA de créer un référentiel de compétences dynamique mais aussi de favoriser le matching par rapport aux postes disponibles et une vision prédictive du besoin de compétences à venir… tout un programme ! E-lamp propose de son côté de créer une bibliothèque des compétences des salariés, basés sur leur auto-déclaration et créant ainsi une langue commune entre les collaborateurs et les RH. Ses applications concrètes : recherche d’expertise, staffing d’équipe, GPEC et workforce planning, mobilité interne, … au service des RH et de la collaboration dans l’entreprise.
Pour échanger avec les start-upers, Michel Barabel, co-organisateur de l’événement, auteur et maître de conférence, et Nicolas Bourgeois, directeur associé du cabinet Identité RH. Première question impertinente de nos experts : à quel moment je peux déclarer que j’ai la capacité de mettre en œuvre une compétence et comment mesure-t-on que la compétence est vraiment au rendez-vous ? Pour les deux startups, le contexte de mise en œuvre est la clé, la donnée RH n’a d’intérêt que si elle est contextualisée. Par ailleurs, Nicolas Bourgeois nous invite à regarder les compétences sous l’angle du flux plutôt que du stock. En effet, les outils peuvent aider à regarder le futur à quelques années en analysant les données du web déjà disponibles grâce à l’IA : ainsi l’application Whoz détecte des grappes de compétences affectées à une grappe d’individus. De même pour E-lamp, la première source d’infos sur les compétences est en interne : la technologie permet un langage commun et une valorisation de la donnée, en plus de l'expérience collaborateur à laquelle elle contribue. De plus, en proposant des cartographies dynamiques des #compétences, les nouveaux outils digitaux comme E-Lamp et Whoz favorisent l’horizontalité dans les organisations et l’employabilité des collaborateurs.
Mais alors est-ce les RH qui hackent le digital ou bien les Startups qui hackent les RH se demandent les nombreux Twittos #RHHD de la journée : invités du fait des nouveaux outils à reinterroger leur stratégie et leur processus, c’est une belle opportunité plutôt que de commencer par de longues réflexions méthodologiques pour finir par choisir son outil...un peu comme le saumon qui remonte la rivière à contre-courant pour reprendre la métaphore de Nicolas Bourgeois.
Cependant, Michel Barabel met en garde sur le fait que les RH sachent utiliser à bon escient les outils et exploiter les données en évitant l’effet gadget ! Réaction partagée d’Olivier Rohou d’E-lamp, « les RH sont encore loin d’être technofriendly ». Du coup, comment vont-ils s’approprier positivement les outils digitaux? Et comment vont-ils favoriser l’appropriation de ces outils en interne ? Les RH seraient-ils les premiers freins à la digitalisation ?
En matière d’outils RH digitaux, Émilie Gentric-Gerbault, co-fondatrice de Whoz nous invite à commencer par utiliser les premières briques des outils et de travailler en coopération avec les datascientists de l’entreprise ... et en plus c’est collaboratif ! En effet, il est essentiel d’accompagner les équipes RH dans l’appropriation des outils pour que l’effet de levier soit au rendez-vous pour les collaborateurs ! Le saumon a encore un peu de chemin à parcourir…

La Qualité de vie au travail : si on arrêtait de se réfugier derrière la table ping-pong…

Le dernier atelier portait sur la qualité de vie au travail, un sujet trop souvent réduit à une table de ping-pong ou un baby-foot pour ne pas prendre en compte les vrais (et légitimes) attentes des salariés… Un sujet clé quand les études indiquent que 11% seulement des salariés ont le sourire en allant travailler…
Deux startup pour parler de leur solution innovante. D’abord, on écoute sans broncher le pompier, deux fois diplômés d’un doctorat, Marc Riedel nous parler des problématiques des métiers « Always On » qui exigent une obligation de fiabilité 24H sur 24H, 7 jours sur 7 et pour lesquels l’articulation temps de travail et temps de vie ne permet plus de respecter l’équilibre entre le rythme biologique et les impératifs économiques… Une réalité qui fait déclarer forfait à 40% des recrues sapeurs-pompiers avant la fin de leurs 5 premières années de carrière. Grâce à l’IA, sa startup AUM Biosync permet de sensibiliser les collaborateurs sur les rythmes biologiques et la santé, de prendre en compte des données de santé pour prédire et détecter les risques d’épuisement, accompagner les salariés, le tout en prenant en compte les contraintes RGPD. Ensuite, Nolwenn Anier docteur en psychologie sociale et directrice du pôle recherche de la startup Mood Work pose le cadre en matière de QVT : entre les facteurs organisationnels, générateurs de stress, d’insécurité, de charge de travail, etc, et les facteurs individuels liés notamment à la stabilité émotionnelle, au « locus of control », la startup veut rendre le collaborateur acteur pour anticiper les risques de burn-out : outil de diagnostic, propositions d’actions mais également accompagnement individualisé.
Pour poursuivre les échanges, Carole Blancot, fondatrice de SpotPink et Pierre-Eric Sutter, dirigeant de MarsLab, des cabinets spécialisés dans la santé au travail, ont proposé au public de faire un petit test en live. Humeur, niveau de stress, qualité de l’alimentation au travail... L’occasion de se rendre compte qu’au-delà des outils, c’est notre perception des mots et non des maux qui est sondée ! On y fait aussi la différence entre causalité et corrélation. Et on touche aux biais cognitifs … Autant de points qui rendent le sujet de la QVT particulièrement sensible et polémique.

« Il faut sauver le soldat RH ! »

La journée s’est conclue par une table-ronde invitant Alain Tedaldi, Directeur Général Institut Esprit Service et Yves Grandmontagne, président du LabRH. N’étant plus présente lors de ces échanges, je ne vous en restitue que quelques bribes issues des conversations qui se sont poursuivies tout au long de l'après-midi sur mon fil Twitter.
J’y ai notamment vu que selon une étude récente sur les millenials, les attentes de cette génération n’étaient finalement pas bien différentes de celles des autres générations : épanouissement au travail, argent, fierté de reconnaissance du travail… Ensuite faisant référence à Gaston Berger, père de la prospective française, Alain Tedaldi aurait insisté sur l’approche plus éco-systémique du travail, « un avenir moins à découvrir qu’à inventer ». Les RH ont donc un rôle de plus en plus important à jouer. Pour Yves Grandmontage, « aujourd'hui le RH doit s'appliquer l'intraprenariat et faire vraiment partie du business ». A ce titre, la transformation digitale des RH est Sa chance ! Il insiste également sur les relations Startups et grands groupes : une coopération pour une fonction RH réinventée par l’innovation, incitant tous les grands comptes à multiplier les Proof Of Concept, mais précisant qu’il ne faut pas oublier que les startup ne vivent pas de POC ! A bon entendeur …

Séverine Loureiro remporte le prix du billet RH 2018 - photo extraite de son post sur LinkedIn

Enfin, point d’orgue de cette journée, la remise du Prix du meilleur article RH en 2018, organisé par le collectif Reconquête RH également auteurs du MagRH et en partenariat avec les blogs RHInfo, Parlons RH et Focus RH (rien de moins…). Dans ce monde en mouvement permanent, l’écriture de billets sur les ressources humaines contribue au partage, à la sensibilisation, à la capitalisation des connaissances, au débat… D’ailleurs, la soirée a eu son moment de débat improvisé entre Thomas Chardin, fondateur de Parlons RH et Séverine Loureiro, auteur d’une thèse et d’un ouvrage sur l’expérience collaborateur. Au cœur de la QVT que cette expérience collaborateur : donner du sens, des conditions d’épanouissement, permettre des connexions entre les acteurs, valoriser la notoriété de l’organisation tant en externe qu’en interne, assurer la cohérence de l’éco-système entre par exemple l’aménagement des locaux et le système organisationnel…
Et ce sera définitivement le sujet de la soirée puisque Séverine Loureiro se voit récompensée du premier Prix du billet RH pour son article « Il faut sauver le soldat RH », résumé de sa thèse, elle-même à l’origine de sa revue de presse hebdomadaire. Dans la catégorie Management, Patrick Storhaye et Yves Barel sont également récompensés. Bravo à tous !

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Cette journée a été pour moi l’occasion de réaliser (et tweeter) de nombreuses sketchnotes en live, au rythme des présentations et des réactions. Elles seront prochainement publiées par le collectif Pour la reconquête des RH : merci à François Gueuze, Michel Barabel, André Perret, Patrick Storhaye pour leur intérêt : Monsieur Patate est votre humble serviteur 😊