[Sketchnote] Du télétravail subi au télétravail choisi, quelques pistes de réflexion

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Tandis que patronat et syndicat ont décidé de se retrouver le 3 novembre prochain pour une « négociation » sur le télétravail, davantage destinée à apporter des éclairages sur ce nouvel usage qu’à prescrire un nouveau cadre pour réglementer la pratique, le sujet du travail à distance continue de faire parler de lui : nombre de webinars en témoignent, nombre d’articles font état de ces avantages comme de ces limites, si bien que j’ai décidé d’en faire moi aussi un billet pour ce blog, loin d’être une réflexion exhaustive, mais assorti comme toujours d’une sketchnote. Matière à discuter…

A-t-on besoin de rappeler les différentes formes de travail à distance ? Avec les nouvelles technologiques d’information et de communication disponibles depuis quelques années déjà, il est possible d’exercer son activité à l’extérieur de l’enceinte de l’entreprise : à la maison, dans un tiers-lieux (espace de coworking ou autres) ou encore de façon nomade entre différents sites de travail (chez les clients, etc.). Il est possible de l’exercer de façon informelle et conjoncturelle, quand il s’agit simplement de finir une tâche à la maison une fois la journée de travail terminée, mais aussi de façon plus régulière, formalisée et encadrée par un avenant au contrat de travail, comme c’était le cas pour 10-15% des salariés, avant le confinement.

Avec la crise Covid-19 et le confinement, ce sont près de 75% de travailleurs qui se sont retrouvés à distance sans avoir jamais expérimenté cette modalité auparavant… Une expérience grandeur nature qui s’est révélée positive pour certains collaborateurs et moins pour d’autres : on a pu lire en particulier, que les plus jeunes certes plus à l’aise avec les outils digitaux à distance, mais moins autonomes dans l’exercice de leurs métiers, ont déploré le manque de contacts d’humain, d’opportunités de se former et de collaborer avec leurs collègues à distance.

En effet, il faut aussi rappeler que le télétravail n’a pas vocation à s’appliquer d’office à 100% du temps et pour tous sans distinction, sauf bien sûr dans les circonstances exceptionnelles du confinement de mars à mai dernier, où le télétravail a été « subi » par la plupart des salariés concernés, dans des conditions matérielles et familiales qui n’étaient pas toujours les plus propices à l’expérience. Le passage en télétravail peut être décidé conjointement entre le salarié, son manager et la DRH en fonction non seulement de la situation individuelle du collaborateur (degré d’autonomie dans l’activité, objectifs professionnels, qualités des conditions de travail, …) et de la durée effective du télétravail (de 1 à 4 jours). Il est également réversible à tout moment, à la demande du salarié ou de l’entreprise.

Malheureusement, dans certaines organisations, la pratique est parfois détournée, utilisée comme une récompense statutaire : les cadres ont plus de jours de télétravail d’office par rapport aux non-cadres et ce, sans tenir compte objectivement de quelconques critères d’éligibilité …

Et force est de constater que depuis le déconfinement, et même si de nombreuses études publiées dans la presse ont montré que les salariés étaient favorables à la prolongation de l’expérience télétravail (à 75% selon l’institut Yougov dont l’étude vient de sortir…) et ce jusqu’à 3 jours par semaine, les entreprises se sont majoritairement précipitées sur le retour au présentiel : si 200 à 300 accords seraient en cours de négociation selon les chiffres de l’ANDRH, le télétravail concerne surtout les salariés des grandes entreprises… et à fin août, la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) indiquait que le télétravail concernait 1 salarié sur 10 seulement…

Bref, retour à la case départ …

Tandis que la situation sanitaire continue de se dégrader et que le lieu de travail serait le 2e lieu de contamination, en recourant massivement au télétravail, les entreprises pourraient protéger leurs salariés et ainsi contribuer à l’effort collectif de lutte contre le virus...

Alors que se passe-t-il ? Malgré les incitations répétées du Gouvernement, la mise en œuvre du télétravail est laissée à la libre appréciation de la direction de l’entreprise, comme tout ce qui relève des modes d’organisation du travail. Et si, selon la dernière étude de Infopro Digital Études pour Bodet Software et L’Usine Nouvelle, 85% des décideurs sont convaincus des bienfaits du télétravail (sur le gain de temps, la flexibilité, …) et en voient le potentiel de développement pour la suite, il n’en reste pas moins que 42 % pensent que les efforts de travail des collaborateurs pourraient être moins perçus en télétravail que lors du travail en présentiel.

Une bonne excuse pour ne pas le déployer ? Le télétravailleur qui ne travaille pas, prépare son week-end, lance une lessive ou s’occupe de ses enfants a la dent dure … même si les données sur la qualité du travail réalisé et la productivité accrue des salariés en télétravail vont à l’encontre de ce stéréotype. Et puis, question que j’ai envie de poser, avec (je l’assume) un pointe de provocation : est-ce si grave que les salariés cherchent à mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle et profitent du télétravail pour gagner en qualité de vie tout court ? L’entreprise n’y est-elle pas gagnante au bout du compte ??

De l'opportunité d'un télétravail choisi

Avec une partie des collaborateurs en télétravail pour des durées différentes, l’entreprise devient "hybride" et c’est toute la dynamique interne qui doit être repensée. Le rapport au temps, au lieu et à l’action sont bouleversés puisque les collaborateurs d’une même équipe ne sont plus en même temps dans le même bureau en train de travailler. Cela nécessite de repenser le lien désormais composite entre les personnes : moments digitaux ou présentiels, échanges synchrones ou asynchrones, modalités de communication individuelle ou collective… Les transformations liées au télétravail sont évidemment culturelles : là où les lieux unissaient et jouaient un rôle de représentation, là où le temps de travail était « maîtrisé », là où l'activité était réalisée sous les yeux du manager… tous ces symboles du travail sont remis en question ! Ce qui relevait du statut visible, même si ce n’était que du présentéisme inefficace et improductif, contribuant à la culture du contrôle, devient désormais invisible. Et c’est ce qui inquiète justement …

En tous cas, dans nombre d’organisations, peu de bilans de la période de télétravail ont été effectués : le retour au présentiel a été imposé ou la poursuite du télétravail proposée, mais sans vraiment évaluer de façon objective si le « dosage » de télétravail était approprié pour chacun, ni réfléchir à ce qui pouvait être proposé à ceux dont l’activité n’est par définition pas télétravaillable… A ce titre, j’ai découvert la matrice proposée par le cabinet Augmented Talent et la solution Qualtrics, qui invitent à mesurer régulièrement le vécu du télétravail auprès de toutes les populations concernées. Il peut être intéressant de pouvoir combiner ces données d’expérience, de mesure du vécu des collaborateurs, avec des données opérationnelles objectives (taux d’absentéisme, indicateurs de business et de productivité, …) pour avoir une lecture plus fine de la situation, de son évolution dans le temps, et surtout pour identifier les catégories de personnes qui sont davantage en difficulté et pour lesquelles accompagnement ou révision des modalités de télétravail sont à envisager.

Par exemple, le manque de clarté sur le rôle de chacun, l’absence de règles partagées, de responsabilités bien identifiées ou encore le sentiment d’isolement peut dégrader le vécu de certains collaborateurs en télétravail avec le temps. Pour d’autres, la charge de travail importante et la difficulté à réellement déconnecter du travail pourra entrainer des risques de surmenage, à surveiller et anticiper. Certains auront peut être du mal à accéder aux informations pour travailler au quotidien ou auront le sentiment que leur implication dans le travail ne sera pas reconnue à sa juste valeur et pourraient se désengager … Écouter régulièrement les salariés et les managers sur leur vécu du télétravail, c'est arrêter de chercher des excuses pour ne pas le déployer et c'est surtout essentiel pour éviter de tomber dans l’écueil principal qui serait d’additionner le pire des 2 mondes : micro-management, contrôle, sentiment d’isolement, manque de cadre, absence de reconnaissance, …

Le télétravail est une occasion de repenser l’organisation du travail. Une occasion qui s'inscrit plus largement dans les transformations de l'entreprise dont les frontières se délitent : quid des travailleurs en free-lance impliqués dans les projets internes et qui organisent eux-mêmes leur temps de travail ? Après l’exercice imposé du confinement, et compte tenu de la situation sanitaire actuelle, les entreprises ont tout intérêt à saisir cette opportunité : celle de revenir avec leurs managers sur les fondamentaux du management dans une optique de responsabilisation et d'autonomie, celle d’encourager plus largement la collaboration et la transversalité notamment via les outils numériques déployés pendant le confinement, celle de poursuivre la transformation culturelle et digitale engagée en respectant la pluralité des équipes et en modélisant un accompagnement qui tienne compte de chaque collaborateur et de sa singularité.

Vaste programme !

Télétravail  : une transformation culturelle - sketchnote de Gaëlle Roudaut

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