Du 4 au 7 février, le coworking Morning Coworking et ses partenaires, parmi lesquels le cabinet conseil Imfusio ou encore la revue We Demain, organisent la Semaine de l’Impact. Une semaine pour découvrir et s’inspirer de « ceux qui font mieux », alternant conférences, témoignages et bonnes pratiques d’entreprises et de personnalités dont la contribution aux enjeux sociétaux et environnementaux est au cœur de l’action quotidienne.
Toujours en quête d’inspiration et de contenus alignés avec mes valeurs, je me suis offert de participer à la matinée de mardi 4 février qui posait la question « Comment devenir une entreprise à mission ? » à travers le retours d’expériences d’entreprises ayant déployé la démarche de certification B-Corp. Une matinée très riche pour se demander quels peuvent être les impacts de l’entreprise ? Comment les valoriser, les mesurer, au-delà des actions menées par les directions RSE ? Quelques pistes et une sketchnote issues des échanges.
Organisée en tables inspirantes autour d’un témoignage et d’une méthodologie maximisant le partage, la matinée a permis également de découvrir plus en profondeur le label B-Corp. Arrivé en France en 2014 par l’intermédiaire du cabinet Utopie, première entreprise française labellisée, qui a développé le mouvement français, l’ONG et sa branche française B-Lab rassemble aujourd’hui une centaine d’entreprises en France, qui militent pour un impact environnemental et sociétal positif et ont obtenu ce fameux label. Selon Augustin Boulot, délégué général de B-Lab, qui présentait la démarche lors de cette matinée, « au-delà d’un label, B-Corp est un outil de transformation au service d’une recherche d’impact ». Dans le monde, ce sont plus de 60 000 entreprises qui se sont lancées pour près de 3 200 entreprises déjà labelisées.
Concrètement, devenir B-Corp est, contrairement à une idée reçue, accessible à toutes les entreprises, y compris les TPE. La démarche s’appuie sur un questionnaire d’auto-évaluation gratuit et en ligne, le BIA (B Impact Assessment) qui est également conçu comme un outil de pilotage de la démarche dans son ensemble. Une fois l’étape de questionnaire complétée, l’entreprise peut demander un audit d’une période de 6 mois à 2 ans, afin de vérifier l’atteinte des 80 critères du BIA, et d’obtenir à l’issue si les critères sont remplis, la labellisation. Le label B-Corp questionne l’organisation dans son ensemble et s’envisage comme un véritable projet d’entreprise prenant en compte à la fois les impacts opérationnels et les impacts liés au modèle d’affaire : ainsi, sont étudiés la gouvernance de l’entreprise (mission, engagements, finances, transparence, …), la façon dont sont engagés les collaborateurs dans l’organisation (système de rémunération, qualité de vie au travail, actionnariat salarié, …), la place et les relations de l’entreprise avec la collectivité (inclusion et diversité, impact économique, engagement civique, fournisseurs et chaine de valeurs, …), les impacts environnementaux (air, climat, eau, terre, …) et les produits et services rendus aux clients (contribution dans les domaines de la santé, éducation, arts, culture, mais aussi facilitation d’accès à des services de base, mécénat, autonomisation économique,…). C’est bien l’ensemble de la performance, au sens des contributions positives, sociales et environnementales, qui est observé, ainsi que les efforts de l’entreprise pour réduire son impact négatif sur la nature et la société.
Aussi, pour Augustin Boulot, être labelisé B-Corp n’est pas seulement recevoir un tampon à un instant T mais surtout s'inscrire dans un projet durable, qui va également permettre à l’organisation d’attirer des talents mobilisés par ses valeurs, de rejoindre une communauté d’entreprises qui s’entraident et sont dans une démarche de partage autour de la réduction de leur impact, c’est aussi l’opportunité de construire des partenariats durables, et bien sûr, cela peut être un argument qui parle aux consommateurs, dans une logique un peu plus marketing du label. Le label B-Corp est aux organisations ce que les labels Bio ou Fairtrade sont à des produits. Aussi, de grandes entreprises comme Danone ont commencé cette démarche de fond et la décline entité juridique par entité juridique : à ce jour par exemple, certaines marques du Groupe comme « Les deux vaches » sont d’ores et déjà B-Corp.
A l’issue de l’audit, les entreprises sont invitées à officialiser et célébrer leur certification, elles pourront ensuite accéder à la modification de leur objet social, s’inscrivant ainsi dans la logique des sociétés à mission (telle que le prévoit la loi Pacte). C’est également un moyen selon Augustin Boulot de protéger dans la durée la mission de l’entreprise en cas de départ des fondateurs ou de rachat. « Avec le label B-Corp, les entreprises certifiées sont des pionnières de l’économie de demain, un nouveau paradigme qui implique responsabilités, engagement, transparence et progrès mais aussi le « stakeholder value » qui prend en compte toutes les parties prenantes : collaborateurs, actionnaires, clients, collectivités, planète ! », ajoute Augustin Boulot.
Le BIA de B-Corp s’inscrit dans la continuité du SDG Action et ses 17 ODD (objectifs de développement durable) définis par l’ONU. Le questionnaire est revu tous les deux ans afin de prendre en compte les évolutions réglementaires au niveau international, car le BIA est le même quel que soit le pays. Les entreprises doivent repasser leur certification tous les 3 ans, ce qui leur permet de ré-interroger l’ensemble de leurs contributions et impacts sociaux et environnementaux à l’aune des évolutions de notre monde. Tout un programme !
Quand un fond d’investissement s’intéresse à l’impact…
Pour poursuivre cette matinée, Laurence Méhaignerie, co-fondatrice de Citizen Capital, est venu témoigner de l’expérience de ce fonds d’investissement qui a choisi de réconcilier capitalisme et impact positif ou responsable, en optant pour le label B-Corp et en incitant les entreprises dans lequel il investit à se lancer également dans la démarche. Ainsi, le fonds accompagne des entreprises dont le business model est aligné avec la recherche d’impacts, comme la plateforme de MOOC OpenClassroom, la CAMIF ou encore la plateforme de crowdfunding Ululle. « Dans cette logique de synergie et de création de valeur à la fois sociétale et environnementale, la recherche d’un impact doit nourrir le modèle économique de l’entreprise, ainsi celui-ci pourra démultiplier l’impact réel de l’organisation », explique Laurence Méhaignerie.
Dans cette logique, la recherche d’impact n’est pas antagoniste de l’actionnariat, au contraire, elle peut séduire de futurs actionnaires qui veulent investir dans une petite structure. Laurence Méhaignerie rappelle qu’avec la loi Pacte, les actionnaires d’une entreprise peuvent reconnaître en assemblée générale cette forme de contribution et en faire une société à mission en modifiant ensuite les statuts de l’entreprise et plus particulièrement son objet social.
Comment le modèle économique de l’entreprise peut-il contribuer à changer le monde ? Selon Laurence Méhaignerie, il y a plusieurs étapes essentielles dans cette démarche qui peut conduire l’entreprise à devenir une société à mission. D’abord, définir sa mission, un exercice qui re-questionne en profondeur les enjeux et les alignements entre le discours et « l’être » avec les salariés comme avec l’ensemble des parties prenantes. Ensuite, définir ses engagements, il s’agit dans la loi Pacte des objectifs qui vont être inscrits dans les statuts avec la mission : Laurence Méhaignerie invite à se poser la question concrètement de ce qui va permettre de suivre l’accomplissement de la mission dans le temps ? Enfin, mettre en place un comité de mission : la loi PACTE exige qu’au moins un salarié fasse partie de cet organe de gouvernance ad hoc, qui produit chaque année un rapport sur la mission de l’entreprise, et met en mouvement le projet vis à vis des instances de gouvernance de l’organisation (COMEX, …) : « La mission peut se diluer dans le temps, explique Laurence Méhaignerie, il faut challenger l’entreprise régulièrement pour garder le cap ! »
Pour Laurence Méhaignerie, nous n’en sommes qu’au début, très peu d’entreprises encore ont réfléchi à leur raison d’être et encore moins modifié leur objet social. L’intérêt des démarches comme B-Corp et son label, c’est qu’elles sont un moyen pour atteindre son objectif de transformation et devenir concrètement une entreprise à impact (et pas uniquement dans le discours) : se donner des objectifs, quantitatifs et qualitatifs, chercher à les atteindre et être capable aussi d’assumer lorsqu’ils ne le sont pas : « c’est une vraie prise de risque, un véritable engagement pour ces entreprises, et d’autant plus qu’elles médiatisent leur démarche, car au-delà d’une labélisation, c’est aussi une cause qu’elles portent ! », insiste Laurence Méhaignerie.
Cheminer pour s'améliorer...
La matinée d’échanges et de témoignages a été l’occasion pour l'ensemble des participants de partager quelques enseignements autour de la raison d’être des entreprises et de la recherche d’un impact plus positif sur le monde.
Tout d’abord, de se dire que ces démarches sont l’occasion d’engager toute l’entreprise dans le projet : les collaborateurs avant tout qui peuvent d’ailleurs être d’excellents promoteurs, mais aussi toutes les parties prenantes, fournisseurs, clients, collectivités, actionnaires... Autrement dit, utiliser la pédagogie, impliquer pour faire émerger de l’intelligence collective, une raison d’être, une mission qui fait sens et dont les valeurs sont incarnés par tous !
Ensuite, ces démarches au travers du questionnement global qu’elles entrainent, permettent de fédérer les équipes autour du projet collectif, de mieux connaître les moteurs d’engagement de chacun.
Enfin, elles offrent un langage universel pour permettre aux entreprises de savoir sur quel levier elles peuvent agir, mais surtout une autre grille de lecture de la performance des organisations, non plus seulement financière et chiffrée mais qui valorise la création de valeur sociale et environnementale au service de tous.
Ce que j’ai envie de retenir de cette matinée de la Semaine de l'impact, finalement, c’est la démarche constante dans laquelle toutes les organisations devraient se lancer pour tenter de réduire leurs externalités négatives. Sans être une fin en soi, les labels comme B-Corp permettent aux entreprises qui engagent ces démarches de cheminer, et de challenger en continu leurs contributions aux enjeux sociaux et environnementaux. Dans un monde qui bouge et face aux défis planétaires du vivre ensemble, réduire son impact est un sujet majeur et récurrent. « Cherchons à être les meilleurs pour le monde et non les meilleurs au monde », nous invite B-corp, une inspiration qui devrait tous nous animer au quotidien...
Première fois que je fais une sketchnote sur tablette, merci de votre indulgence😉
par Gaëlle Roudaut
Pour en savoir plus :
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