Le 17 novembre dernier, l’association Entreprises et médias, association et think tank des directrices et directeurs de la communication des grandes entreprises et institutions, organisait un passionnant colloque à la Sorbonne, dans le grand amphithéâtre. Un après-midi où les nombreux intervenants ont questionné la notion de progrès. De la vision du progrès par les philosophes des Lumière à l’idéologie du progrès qui a porté l’humanité notamment depuis la révolution industrielle jusqu’à sa remise en question plus actuelle en lien avec la finitude des ressources planétaires et les prises en consciences liées à la crise sanitaire, peut-on encore croire au progrès ?
Eléments de réponses dans cette longue synthèse de cette après-midi captivante assortie d'une sketchnote.
« Le progrès a encore du progrès à faire » (Philippe Meyer)
Pour le sociologue Jean Viard, introduisant ce colloque, le progrès a permis de s’arracher au passé, aux traditions et aux religions, il a permis le développement de l’économie, de la science : « il nous a fait croire qu’aller plus vite, plus loin, c’était le progrès. Et puis on a ralenti, on a arrêté le Concorde… », rappelle le sociologue. La crise sanitaire, qui a mis toute l’humanité au même niveau pour combattre la pandémie, a redonné sa juste place à la nature, « c’est elle qui fait l’histoire », explique le sociologue. La crise sanitaire a également remis la science au cœur des sociétés : avec 11,2 mds de piqures (mais seulement 20% des africains vaccinés déplore le sociologue), la pandémie a créé un « immense commun » et nous a tous questionnés en même temps : et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Reprend-on la vie d’avant ? Non… il y a des démissions, des divorces, des déménagements, des dépressions et surtout la question du monde que nous voulons : « on a compris qu’on était un animal parmi les autres et qu’on ne pouvait pas contrôler la nature, nous n’avons pas pris soin de la terre qui nous fait vivre » explique Jean Viard. La crise a permis une prise de conscience : celle que l’art de vivre est plus important que de produire, celle du besoin de respect. Avec le numérique, nous avons le moyen d’être connectés mais aussi de nous cultiver, d’apprendre, de travailler quel que soit notre lieu de vie. « La modernité en soi n’est plus un objectif. Ce qui était le projet était une religion laïque scientifique qui portait l’avenir du monde avec une énorme standardisation sociale, mais qui n’a pas pris soin de la nature, commente Jean Viard. Le nouveau progrès, c’est prendre soin de la terre et créer de la proximité pour la survie de la génération suivante. » Le sociologue nous invite également à l’ouverture, à la diversité, à encourager l’immigration pour continuer d’innover, à investir dans la science et dans la technologie, et sans « casser ce qui est joyeux » (les vacances, les voyages, les grands rassemblements sportifs, …) car dans la guerre climatique, « le monde a besoin d’unité », indique-t-il, posant aussi la question du modèle démocratique capable de prendre les décisions aussi vite que le réchauffement climatique.
« La véritable question par rapport à l’avenir n’est pas de savoir ce qui nous attend mais ce que nous voulons en faire » (Henri Bergson)
Le colloque était également l’occasion d’une projection en avant-première du documentaire « Peut-on encore croire au progrès ? » réalisé par ELEPHANT en partenariat avec Entreprises & Médias. Autour des interventions de Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, David Djaïz, haut-fonctionnaire et essayiste, Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, Karine Safa, philosophe et chercheur associé au CNRS, Claudia Senik, professeur d’économie à la Sorbonne et Paris School of Economics, Pierre-Henri Tavoillot, philosophe et maître de Conférences à la faculté des Lettres de Sorbonne Université, Navi Radjou, consultant en innovation dans la Silicon Valley, le documentaire montre que derrière la crise de l’idée de progrès se niche une crise démocratique liée au fait que les peuples avaient le sentiment d'avoir leur destin en main … jusqu’à aujourd’hui. Il pose la question de la finalité du progrès. Le désir de progresser, de grandir, d’être mieux est directement hérité du siècle des Lumières et de l’idée de perfectibilité de Jean-Jacques Rousseau, selon laquelle l’être humain a la capacité de se perfectionner grâce à la raison. Dès cette époque, l’Humanité améliore sa condition, son salut n’est plus céleste mais terrestre, avec ses sous-jacents, la science et la connaissance et leur promesse d’amélioration perpétuelle.
La désillusion est immense lorsque le progrès se transforme en son contraire : à l’image du monstre Frankenstein, le progrès scientifique notamment devient l’instrument de la barbarie, des régimes totalitaires et est capable de détruire la nature, avec son paroxysme en 1945 et la bombe atomique lancée sur Hiroshima et Nagasaki.
Le défi du 21e siècle avec le réchauffement climatique tient dans ce changement de paradigme de l’abondance à la rareté, de réussir à continuer de grandir dans une planète dont les ressources sont finies, tout en limitant l’impact du réchauffement climatique sur nos modes de vie. L’enjeu n’est pas la décroissance contre la croissance, mais bien de faire face au défi climatique, face auxquels si nous ne sommes pas tout puissants, nous ne sommes pas impuissants. Ainsi, si le temps du progrès comme dogme est terminé, il invite à tout de même à l’action, à être plus modeste, à procéder par petits bons. « La vulnérabilité peut être une source d’innovation », selon la philosophe Cynthia Fleury. Tout progrès doit aujourd’hui être capable de réflexivité, d’être critique envers lui même pour cibler ses dysfonctionnements. Le progrès a aujourd’hui un enjeu social, il ne doit plus profiter qu’à quelques privilégiés. Le documentaire promeut l’idée d’un progrès soutenable avec des critères égalitaires et éthiques et montre l’importance du courage et de la pédagogie des entreprises pour soutenir des innovations morales et éthiques vis-à-vis de leurs actionnaires. Il alerte également sur le phénomène du complotisme, qui en agitant des peurs et sous couvert de la liberté d’opinion indissociable de la démocratie, peut s’avérer anti-progrès. Le vrai progrès invite à l’inverse au vivre ensemble et à inventer un nouveau récit entre l’homme et la nature, qui s’écrive en termes de coopération plutôt que d’exploitation de domination.
Quel progrès social souhaitons-nous ?
Tandis que les indicateurs de progrès sont souvent économiques (croissance, PIB, …), la première table ronde était consacrée au progrès social et ses différentes formes : inclusion, diversité, droits, équité, … Le premier constat est posé par Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, qui pose la question de l’augmentation des inégalités dans nos sociétés, avec la priorité souvent donnée à l’actionnariat avec toutes ces conséquences sociales ou encore avec la mondialisation, mais sans son caractère d’universalisme. Franck Morel, senior Fellow Travail, Emploi et Dialogue social à l’Institut Montaigne et avocat associé chez Flichy Grangé Avocats, pointe la différence entre le progrès sur papier et ses promesses garanties, et leurs concrétisations, un progrès qui reste vain quand il ne s’inscrit pas dans une vision globale qui prendrait en considération l’ensemble des facteurs : c’est la différence entre progrès prescrit et réel. Pour Laurence Pernot directrice de la communication de Saint-Gobain, le progrès social a été longtemps assimilé à nouveaux droits pour les salariés. Avec les crises multiples, l’entreprise a le devoir d’inventer de nouvelles solutions pour améliorer la qualité de vie et répondre aux besoins humains, à la fois par l’innovation technologique et scientifique mais aussi par la responsabilité qu’a l’entreprise de mobiliser tous les acteurs, afin de mettre le progrès au service des plus démunis et a ceux qui n’ont pas de voix, donc la nature et le vivant. « Les plus jeunes veulent du sens, pointe-t-elle, une entreprise engagée et utile, prête à donner pour une cause plus grande qu’elle ». Enfin, Léa Falcot, membre du collectif "Pour un réveil écologique", invite à questionner ce que le progrès ne devrait pas être et la place de la technique dans nos vies. Que penser par exemple, des tapis de bain connectés ? Elle soulève la nécessite d’intégrer l’environnement et le social dans le développement et le progrès à tous les niveaux.
Selon Jean-Claude Mailly, ces questions sont aujourd’hui trop en silotées, certes on compte des avancées sur l’environnement (par exemple la mesure du CO²) mais moins sur le social. Il invite à prendre toutes les parties prenantes en compte, dans la chaîne de valeur. Pour Laurence Pernot, l’entreprise a un rôle à jouer dans la lutte contre les inégalités : face aux crises à répétition que l’on vit, l’entreprise ne peut pas vivre en dehors. Prenant l’exemple de St Gobain, dont le secteur est particulièrement producteur de déchets, elle interpelle la responsabilité des entreprises de réinventer leurs métiers en embarquant toute la chaine de valeur, afin de répondre aux enjeux du climat. Franck Morel rappelle l’importance de l’appréhension globale des enjeux, sans quoi, « le paradis des consommateurs devient l’enfer des travailleurs ». Cependant, pour Léa Falco, l’engagement des entreprises ne peut être que superficiel aujourd’hui, elles ont besoins de normes et de vision de progrès portée par l’Etat pour avancer : la RSE actuellement peut être vécue comme une contrainte par les entreprises. Léa Falco souligne la nécessité de trouver des salariés prêts à s’engager dans les entreprises mais surtout le rôle de l’Etat, sans quoi les entreprises auront toujours une préférence pour le présent par rapport au futur, à cause des règles qui gouvernent aujourd’hui l’économie. Et Franck Morel de rappeler l’importance de la légitimité des changements et des politiques de progrès social quand ils trouvent leur source dans l’élection, le dialogue social.
Pour Laurence Pernot, intégrer ces grands enjeux est clé pour la performance des organisations, et la communication y a un rôle essentiel pour écrire de nouvelles histoires : « il faut communiquer sur les solutions qui existent au lieu de faire le focus sur le désastre, car cette façon de décrire le monde n’est pas un encouragement à agir. Au contraire, il faut se centrer sur les solutions qui existent, donner du sens et de la cohérence à des phénomènes disparates et atomisées, expliquer le contexte et pourquoi on va le faire, entre raison d’être, ambition et plan d’actions. » Pour les intervenants, l’innovation est un moyen au service du progrès, pas une fin en soi, au même titre que d’autres leviers de croissance pour l’entreprise. Et Jean-Claude Mailly de conclure que c’est le temps du retour à la raison : « qui dit raison, dit contradiction, et donc du débat pour faire avancer les choses ! »
Le progrès vu par les français
Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop est venu présenter les résultats d’une étude intitulée « Le regard des Français sur le progrès » réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population de 1 000 personnes. L’étude montre notamment que les idées liées à la notion de progrès sont d’abord associées à la notion de technologie puis de santé/médecine, avant l’idée de mouvement et d’évolution ou encore d’environnement et d'énergie. On y compte autant de représentations positives que négatives. Des notions comme la liberté sociale ou l’égalité ne sont pas spontanément associées à la notion de progrès, et un répondant sur 2 associe le progrès à l’idée de sobriété. Dans cette enquête, 35% des actifs voient plutôt des opportunités et 9% des dangers derrière le progrès. Dans cette tendance pour la vie personnelle, à l’inverse, quand il s’agit du futur des enfants, les répondants pensent que le progrès apportera autant de dangers que d’opportunités. Pour 72% des répondants, l’humanité doit ralentir son rythme pour s’orienter vers la sobriété. Et 60% considèrent que le progrès constitue une menace pour l’environnement. Du côté, des domaines qui ont profité du progrès, les répondants notent la santé pour 76%, pour 66% les conditions de travail contre 45% pour l’éducation ou encore le débat démocratique. Au sujet des domaines qui en seront bénéficiaires à l’avenir, l’énergie devance la santé et l’environnement, mais le doute ou le désarroi semble subsister pour l’éducation, la liberté et le débat démocratique. A 75%, les répondants pensent que le progrès est générateur de surproduction et surconsommation, à 72% de bonnes conditions de travail, et pour 43% seulement d’entre eux, que le progrès va créer plus d’emploi qu’il n’en détruit. Parmi les groupes et institutions contribuant à la diffusion du progrès, l’enseignement supérieur suivi des entreprises sont cités par les répondants devant l’école, les médias, l’Etat, les réseaux sociaux et les organisation syndicales. Du côté des domaines dans lesquels les entreprises doivent faire des progrès, les répondants pointent le bien-être au travail, la réduction de l’impact environnemental ou encore la réduction des inégalités. Interrogés sur le principe de décroissance, les répondants sont très mitigés, avec un peu plus d’attentes chez certaines catégories de population comme les jeunes ou encore les CSP+.
Pour compléter cette lecture de la vision du progrès par les français, Assaël Adary, président d'Occurrence, présente l’analyse de la propagation du mot progrès sur les requêtes de Google et sur les réseaux sociaux. Il apparait en matière de recherches Google, que le mot progrès agit comme un adjuvant qui stimule et renforce le mot d’à côté et se faisant s’efface, à l’image d’un Jimini Criket pour le héros « innovation », « croissance », « sobriété ». Les questions sont souvent posées sous l’angle du comment, et non du pourquoi, explique Assaël Adary, faisant un clin d’œil à la génération tuto. Sur les réseaux sociaux sur un an, le mot progrès a été mentionné 1,5M de fois contre 3M pour croissance et 1,9M pour innovation. Il est souvent employé avec ironie : « il faut noter également que l’on compte autant de mention sur le progrès social que sur le progrès en foot : est-ce le signe que notre société progresse ? » s’amuse Assaël Adary. En fait, le progrès est ce que l’on appelle un mot conversationnel qui, lorsqu’il est utilisé, génère plus d’engagement sur les publications (30% de plus que innovation).
Le progrès technologique peut il nous sauver ?
La seconde table ronde consacrée au progrès technologique réunissait Guillaume Bregeras, DG et chief knowledge officer du fonds d’investissement 2050, Clotilde Delbos, directrice générale adjointe de Renault et DG de la marque Mobilize, Pierre Louette, président-directeur général du groupe Les Echos-Le Parisien, et Cathy Pianon, directrice générale affaires publiques & communication du groupe SEB. Les intervenants sont tout de suite questionnés sur leur définition de l’innovation. Ainsi, Pierre Louette, le progrès a toujours une dimension morale et éthique, c’est une destination tandis que l’innovation peut-être technologique, manageriale, etc. c’est un événement. Pour Clotilde Delbos, l’innovation fait référence à quelque chose de nouveau, tandis que le progrès signifie aller en avant vers quelque chose de mieux pour la personne, sa santé ou pour la planète. Ainsi, pour Renault et Mobilize, la mobilité électrique est à la fois une innovation et un progrès : « l’enjeu est de rendre la mobilité plus durable et plus abordable, incluant recyclage, partage, connectivité etc sur la base d’innovation technologique et dans une logique de progrès. » Pour Guillaume Bregeras, la finance ne prédit pas le futur mais le façonne en fonction des investissements qui sont faits. « Je cherche des entrepreneurs qui ont une vision systémique des choses et innovante pour transformer leur secteur de façon durable », illustre-t’il. Cathy Pianon rappelle que le marketing a un rôle à jouer également en proposant une expérience positive : durabilité, réparabilité, inclusion, sustainable design, circularité doivent être pris en compte dès la conception afin que l’expérience de l’innovation se résume pas forcément à la sophistication et au gadget : « une innovation que seule une poignée de personne utilise relève d’un gadget ou d’un objet statutaire ». L’enjeu pour Pierre Louette est celle d’une innovation raisonnée, une réorientation qui nécessite un débat à l’échelle internationale car certains pays n’ont pas atteint le même niveau de progrès. « La technologie n’est pas une réponse à tout : elle est ce que l’on en fait… Nous avons besoin d’une éthique de la technologie ».
Les intervenants s’accordent également sur la nécessité de lutter contre l’accroissement des inégalités et d’encourager des entreprises dont l’impact est positif sur l’environnement et inclusif pour la société. A ce titre la loi Pacte est un véritable progrès. Cathy Pianon souligne le rôle de la communication et du marketing pour accompagner les usages, expliquer en quoi tel produit est meilleur pour soi et la planète. Une gageure dans un monde où tout le monde peut vérifier l’information, prendre la parole, et rester dans sa bulle cognitive, selon Pierre Louette. Et d’autant que la nature humaine a horreur du changement, rappelle Clotilde Delbos, et que certaines innovations n’ont pas toujours été des progrès pour l’Humanité.
« Il n’y a plus une évidence du progrès, il faut l’expliquer », ajoute Pierre Louette. Le Twitter d’Elon Musk est-il un progrès ? De même que la régulation est nécessaire sur les réseaux sociaux, nous avons besoin d’un cadre pour savoir ce qu’est un progrès. » Les intervenants s’accordent sur l’intégration de la sobriété dès le design des produits, leur réutilisabilité, l’encouragement des échanges et du partage. Ce nouveau marketing questionne également la notion du désir, que sous-tendaient l’innovation et incitent les entreprises à penser le monde pour lequel elles innovent.
Croire au progrès …
L’après-midi a été clôturé par Etienne Klein, physicien et philosophe des sciences, qui rappelle que le verbe progresser a précédé la notion de progrès, avec idée de progresser dans l’espace. C’est dans son sens moderne qu’a été introduite la notion de temps.
« L’optimisme, c’est celui qui fait des mots croisés au stylo bille » (Jean d’Ormesson)
Pour Etienne Klein, l’idée de progrès vient de la philosophie de Kant et du motif que nous souhaitons que nos enfants connaissent moins de souffrance que nous, et que nous acceptons de sacrifier notre présent personnel au profit du futur collectif : « Notre passé fut misérable, notre présent est catastrophique mais heureusement nous n’avons pas d’avenir », s’amuse-t-il. Plus sérieusement, cette idée impose la nécessite de penser un futur façon crédible et attractif et pour lequel nous serions capable d’imaginer le chemin pour y aller. « Aujourd’hui quand les scientifiques parlent climat, ils sont crédibles mais pas attractifs, indique Etienne Klein. Plus jeunes pour certains d’entre nous, l’image de l’an 2000 était très attractive au point que nous étions pressés de vieillir. Mais en réalité, nous sommes prisonniers du présent. Personne ne pourrait vivre dans le passé (et aller chez le dentiste à la Renaissance par exemple !) et personne ne veut être en 2050 ! »
Croire au progrès, selon Etienne Klein, c’est croire que le négatif est le ferment du meilleur, et ce sur quoi on va pouvoir travailler, dans la lignée des Lumières. Comme un alpiniste a un objectif d’ascension, un fois qu’il a atteint le sommet, son plaisir n’est pas dans la descente. Or, notre société est dans la descente depuis l’an 2000, année depuis laquelle nous avons du mal à nous fabriquer un nouvel horizon projectif. Dans les faits, selon Etienne Klein, le mot progrès a disparu de nos discours, il est en déclin à partir des années 80 au profit du mot innovation : « entre 2007 et 2013, le mot progrès a été liquidé, il n’a pas été prononcé dans les discours des candidats à la présidentielle », explique-t-il. Pourtant, le progrès était le mot fondateur de la modernité. Il a été progressivement remplacé par innovation et se faisant « fait progresser l’idée de progrès ». Mais en réalité, l’innovation au départ n’est pas du tout associée au progrès mais plutôt à la conservation. Francis Bacon en 1632 associe l’innovation à la technique, il incite à innover pour faire face à la corruption du temps et à l'état critique du présent. Au contraire, insiste Etienne Klein, l’idée du progrès dans la philosophie des Lumières, dit que le temps est notre allié et nous projette dans un futur désirable. Et de conclure : « L’idée de progrès a pour anagramme le degré d’espoir ».
Alors, on y croit !
par Gaëlle Roudaut