[Livre] Le défi des soft skills au 21e siècle : un buzzword ou le nouveau Graal ?

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Le 7 juillet dernier, la startup Jobteaser et le Lab RH organisaient un webinar de présentation du dernier ouvrage de Jérémy Lamri, Michel Barabel, Boris Sirbey, Olivier Meier et Todd Lubart, « Le défi des soft skills au 21e siècle », paru aux éditions Dunod la semaine précédente. Si l’ouvrage vient tout juste de gagner ma bibliothèque, j’ai eu envie d’en avoir un avant-goût, avant de me jeter dans une lecture intensive au bord de la plage (en vrai je ne pars pas du tout à la plage mais j’ai bien l’intention de le lire). Que retenir de cette passionnante conférence, en quelques notes et une sketchnote 😊

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En introduction de la conférence, c’est Todd Lubart, professeur de Psychologie à l’Université Paris-Cité, membre du Laboratoire de psychologie et d'ergonomie appliquée, qui nous rappelle que la notion de "soft skills" a émergé aux USA dans les années 70, quand l’armée américaine cherchait à distinguer les hards skills qui impliquent l’interaction de l’homme et d’une machine ou une technologie dans la réalisation d’une tâche bien définie, des autres compétences, dites soft skills. Le concept n’a pas tout à fait trouvé sa traduction en français, même si des terminologies comme "méta-compétences" ou "compétences transverses" commencent à faire leur apparition dans le vocabulaire… En tous cas, ce que rappelle Todd Lubart, ce sont les prévisions du World Economic Forum, selon lequel le marché du travail en profonde mutation impliquerait une évolution importante des compétences d’ici à 2025 pour 50% de la population active. Un chiffre qui s'explique notamment parce que la durée de vie des compétences techniques décroit à mesure que les technologies évoluent -très rapidement- mais aussi par l’automatisation grandissante des tâches. Le World Economic Forum a ainsi identifié 10 compétences clés à développer parmi lesquelles ces fameuses "soft skills" : créativité, collaboration, communication, développement de soi, … Également interviewés en vidéo, Todd Lubart, Olivier Meier, professeur des universités, et Boris Sirbey, co-fondateur du LabRH, qui ont collaboré à l'ouvrage, pointent le fait que les soft skills sont associées à l’identité d’un individu, mais aussi que leur développement, plus difficile que les hard skills, concourra à plus de bien-être individuel, grâce notamment à une meilleur ressenti de ses compétences par l'individu lui-même, à une meilleure employabilité des salariés et dans l’ensemble à plus de performance.

Développer ses soft skills : on fait comment ?

Michel Barabel, maître de conférence à Paris-Est et rédacteur en chef adjoint du MagRH, rappelle en introduction que le préalable au développement des soft skills est de réussir à lever la peur d’échouer, d’encourager le fait d’oser expérimenter ou encore d’adopter une posture réflexive qui permette à l’individu de transformer une expérience vécue en apprentissage : « Le développement des softs skills interroge l’individu, ses forces et axes d’amélioration, leur développement donne le sentiment de progresser et accroît l’estime de soi, l’affirmation de soi. Il n’est pas simple de les développer, mais c’est une dimension indispensable pour naviguer dans ce monde chaotique qu’est le 21e siècle » Et dans ce monde, tous les individus ont leur chance : « tout le monde a des soft skills et tout le monde peut les développer, insiste Jérémy Lamri, entrepreneur, co-fondateur du Lab RH, de Monkey Tie et du Hub France IA, c’est l’occasion de s’affranchir des barrières sociales, intellectuelles, … car ce sont des capacités qui nous permettent de réfléchir et d’agir dans un contexte, elles sont présentes chez tous les individus ! » Et Michel Barabel d’ajouter que leur développement permet d’éviter la « polarisation de la société », dans la mesure où avec l’automatisation des activités, la dimension cognitive et interactionnelle des emplois va augmenter, et tout le monde sera concerné.

La particularité des softs skills, c’est qu’elles sont intimement liées à l’estime de soi, à la confiance en soi, et à l'affirmation de soi, et font ainsi partie du fonctionnement de l’être humain : « il n’y a pas de limite, en matière de soft skills, on peut progresser toute sa vie, à tout moment, par contre lorsqu’on n’arrête de les développer, on peut régresser… » Contrairement à des compétences techniques qui s’acquierent souvent de façon séquentielle (par étape, processus, etc.), les soft skills, c’est continu, c’est tous les jours … « parce que le monde change en continu, rappelle Michel Barabel. Les soft skills, c’est comme un idéal type qu’on atteindra sans doute jamais. »

Derrière cette notion de soft skills, nous expliquent les auteurs, ce que l’on développe en fait, ce sont des « méta-capacités » : « chaque soft skills est comme une recette avec des ingrédients : des traits de personnalité (qu’on ne peut pas forcément changer, mais qu’on peut faire évoluer pour être plus à l’aise dans certains contextes), des manières de réfléchir et des logiques, des connaissances, … Ce sont tous ces ingrédients qu‘il faut développer pour avoir une soft skills de bon niveau. Mais peut-être vous avez déjà une partie de la recette en vous ? »

Des softs skills oui, mais lesquelles ?

Jérémy Lamri n’en est pas à son premier ouvrage sur le sujet. Il y a quelques années il a écrit sur les 4C (communication, collaboration, esprit critique, créativité) : quatre compétences cognitives à développer au 21e siècle. Cette fois-ci, l’ouvrage explore le modèle Hester H10 qui s’appuie sur une approche statistique et une classification ascendante hiérarchique : elle met en valeur 22 « méta capacités » qui se retrouvent dans 10 softs skills. Le modèle est particulièrement utile pour s’autopositionner et identifier ses axes d’amélioration, un point de départ pour développer ses softs skills. « Les 4C appartiennent aux compétences du 21e siècle pour être autonome et avancer, mais c’est un panier garni dans lequel il y a d’autres compétences et pas que des soft skills » ajoute Jérémy Lamri. De plus, pour les processus RH notamment, comme en recrutement par exemple, la maille des soft skills peut être trop large : « La curiosité ou l’humilité par exemple sont des traits conatifs de personnalité, idem pour les valeurs d’un individu, ce sont des ingrédients que l’on va retrouver dans plusieurs soft skills. »

Tandis qu’on regardait l’expertise métier, la capacité à performer ou encore la loyauté pour intégrer des managers dans des parcours de haut potentiel, aujourd’hui dans un environnement mouvant et particulièrement incertain, ce sont les capacités à se réinventer, à rebondir, à expérimenter qui sont des axes à privilégier. « Nous vivons dans une société liquide désormais, explique Michel Barabel. Les individus doivent être en capacité de progresser en permanence sur ces capacités. Et pour cela, les modalités d’apprentissage et de développement des soft skills passent par de plus en plus de mise en situations, tests, de « microdoing » [transformation par l’action], d’apprentissage informel ou encore par le fait de permettre à chacun de transmettre ses connaissances car la transmission favorise l’apprentissage également ».

Les auteurs s’accordent à dire qu’on en est qu’au début sur les soft skills, la réalité est complexe et toute passionnante qu’elle est, la grille développée dans l’ouvrage, reste une boite à outils. « On touche du doigt l’importance de les développer, de les évaluer, mais pour industrialiser, on en est pas là, on manque encore de métrics, de pratiques éprouvées … » explique humblement Jérémy Lamri. Michel Barabel ajoute qu’on ne peut pas parler de soft skill sans évoquer la dimension culturelle dans leur développement, le système éducatif français par exemple qui ne valorise pas la collaboration mais davantage l’esprit critique avec plus de transdisciplinaire et d’analyse. « De la même façon dans les organisations, les collaborateurs interagissent dans un système culturel avec ses rites, ses routines, ses codes managériaux, ses valeurs, ses préférences de comportements… qui vont favoriser certaines soft skills plus que dans d’autres ».

En conclusion, Jérémy Lamri rappelle que le développement des soft skills dans les organisations implique de repenser les environnements de travail, les outils, les équipes, les logiciels pour faciliter la collaboration, la communication, la créativité... : « si on demande à une personne de faire toujours la même chose, c’est normal qu’elle tombe dans la routine. Lui permettre de développer ces compétences transverses suppose de la stimuler régulièrement, cela implique de revoir des processus et des manières de travailler ensemble -aujourd’hui les réunions créent peu de valeur et d’engagement. On peut se demander quels sont les modes de collaboration qui sont les plus productifs, quand on travaille, ensemble, en hybride, demain avec de la réalité virtuelle, etc. Développer une culture de l’apprentissage nécessite de casser les routines et de proposer des choses un peu inédites : des sorties, des interventions, artistiques, etc. »

Voilà qui met l’eau à la bouche, non ?

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Vous aimez cette sketchnote ? Découvrez mon travail en facilitation graphique sur mon autre site www.lapatateatwork.com et donnez la patate à vos conférences et ateliers collaboratifs 😊

Alors, graal ou buzzword, ces softs skills ?

J’espère que ces quelques lignes et cette sketchnote vous auront donné envie de dévorer l’ouvrage. Personnellement, je me suis déjà régalée, mais je ne suis pas encore rassasiée 😉